~ "Joyeux Noël" en Provence se dit : "Bòn Nové" ~

 

 

Noël, les fêtes de fin d'année en Provence, c'est un rêve… C'est la traditionnelle crèche vivante avec sa messe de minuit dans chaque village… les santons qui s'animent. C'est aussi l'arrivée des Rois mages, les soupers et les longues soirées au coin du feu… Dans les campagnes, bergers et conteurs ne se font pas prier pour raconter les contes et légendes qui émaillent l’histoire de la Provence. Partout, les boulangers préparent les pains traditionnels et spécialités de fin d’année : pompe à huile, fougasse au beurre, à l’anis…

 

 

Le 24 décembre est un jour privilégié tout ouaté des souvenirs d'autrefois, des gestes séculaires devant la crèche aux santons. Une dernière main à la table pour le "petit souper" de 19H00 qui regroupera toute la famille pour la veillée: bouillon de poule dans lequel nagent de grosses nouilles dentelées, une belle morue poêlée aux oignons et aux olives, un chapon ou une oie bien dodue farcie de truffes ou aux pruneaux accompagné d'un gratin de blettes confit au four avec le jus de la volaille, une salade d'hiver parsemée de croûtons à l'ail et une tarte à la courge.

Le repas prend des heures. Entre les services, chacun apporte sa contribution de récits et de mémoires parlés et les bon conteurs, entre des chants et de la musique, racontent la pastorale, l'histoire de la Nativité entrecoupée d'anecdotes fleurant bon le terroir.

Un peu lourd, chacun se lève pour se préparer pour la Messe de Minuit. C'est au plus vieux de la tablée que revient l'honneur de bouter le feu, c'est-à-dire d'allumer la bûche de Noël, répétant les gestes traditionnels d'arroser, par trois fois de suite, cette souche tirée d'un arbre fruitier (poirier, cerisier ou olivier) avec du vin ou de l'huile d'olive avant de la déposer dans le foyer et d'y Bouta Cacho-fio = bouter le feu en prononçant la phrase rituelle:
"A l’an que ven ! E se nous sian pas maï, que nous fuguen pas mens" ("A l'An prochain ... si nous y sommes pas plus, que nous n'y soyons pas moins" merci à Anthony pour cette phrase).

Puis la maîtresse de maison dépose dans le foyer la courge dans laquelle cuira le potage pendant la Messe de Minuit.
Puis vient la messe de Minuit. Bergers et bergères se rendent en procession jusqu'à l'église. Le prieur, devant l'autel prend l'agneau dans ses bras et entame le récit du voyage qu'ils ont fait à travers collines et vallons pour venir adorer le petit Jésus qui vient de naître dans la crèche en cette période de l'agnelage.

A Saintes-Maries-de-la-Mer, bergers, gardians et pêcheurs se rendent à l'église, une lanterne accrochée au trident tandis que sur la montagne de Frigolet serpentent des colonnes de ménagers et de jardiniers venus des plaines de la Petite-Crau et des flancs des Alpilles.

À Noël, il est coutume de distribuer, au sortir de la Messe de Minuit, des fougassettes niçoises (à ne pas confondre avec la fougasse) - un pain brioché tressé, parfumé à la fleur d'oranger et au safran, parfois farci de cédrat confit.

Au retour de la Messe de Minuit, c'est le "gros souper", un repas maigre mais rempli de symbolisme.

La table est dressée sur trois nappes les unes sur les autres - une pour chaque personne de la Sainte Trinité ( le Père, le Fils et le Saint-Esprit) et éclairée par 3 bougies. Elle est ornée de petits houx à boules rouges, de belles roses de Jéricho, du blé de Ste-Barbe semé avant le 14 décembre. Les plats sont au nombre de sept et représentent les sept douleurs de la Vierge.

Après la soupe à la courge (1), on éteint une première bougie et on enlève une nappe en prenant soin de la secouer sur la deuxième nappe avec ses miettes et ses quignons de pain.

On gobe ensuite des escargots (2) qui ont été cuits au court-bouillon, servis dans le jus de cuisson réduit, assaisonné et bien tomaté. A Arles, on ne gobe pas les escargots mais on les enlève de leur coquille avec une épine pour les manger avec l'aioli.

Tout repas maigre implique la présence de poisson, le plat traditionnel demeurant la morue séchée en raquettes salées, en brandade (3), suivi d'un mulet aux olives et aux oignons frits (4);

On sert ensuite les légumes traditionnels (5): chou-fleur, cardon, céleri, artichaut arrosés d'huile d'olive pressée, dans une sauce blanche ou encore accompagnés de la traditionnelle anchoiade ;

Puis une salade frisée bien rehaussée de croûtons à l'ail (6)

 

Puis c'est au tour du septième plat composé de 13 desserts (7)!
Mais avant d'apporter compotiers et plateaux, il faut d'abord souffler la deuxième bougie et enlever la deuxième nappe.

Les desserts sont au nombre de 13, comme les convives de la Cène. Il n'y a pas de bûche aux marrons, de sorbets mais un échantillonnage des produits tirés de la nature, la saveur de l'automne au temps de la cueillette, du séchage et des confitures: Il faut apporter dans l'ordre:

1/ Fougasse (galette) ou pompe à l'huile à base de fine fleur de farine, d'huile d'olive, d'eau de fleur d'oranger. et de cassonade;
2/ Nougat blanc de noisettes, pignons et pistaches
3/ Nougat noir au miel

Les 4 mendiants :
4/ Figues sèches (Franciscains)
5/ Amandes (Carmélite)
6/ Raisins secs (Dominicains)
7/ Noix (Augustins)

Les 6 fruits :
8/ Raisins d'Italie conservés au grenier ou poires d'hiver
9/ La pâte de coing ou fruits confits dans la région d'Apt ou de Carpentras
10/ Oranges
11/
Mandarines ou cédrats confits
12/ Tarte à la courge
13/ Les dattes : symbole du Christ venu de l'Orient

Les 13 desserts sont souvent accompagnés de ratafia de cerises et de carthagène.
Il ne reste plus qu'à nouer les quatre coins de la troisième nappe pour en faire un baluchon et apporter aux pauvres les reliefs du souper.

 

 

Témoignage de Daidzou, qui est née à Marseille :

Chez nous, on plante le blé et les lentilles le 4 décembre pour la Ste Barbe, mais on ne fait rien avec la courge.

LE GROS SOUPER :
Il est composé de 7 plats maigres en mémoire des 7 douleurs de Marie, et servi avec 13 petits pains, suivi des 13 desserts.

On retrouve souvent :
- la carde, le celeri
- le chou-fleur
- les épinards
- la morue
- l'omelette
- les escargots
- la soupe à l'ail
- jamais de viande, uniquement du poisson, des coquillages, gratins, soupes, de l'anchoiade.

Seul luxe = les 13 desserts dégustés au retour de la messe de minuit, qui resteront sur la table les 3 jours suivants jusqu'au 27 décembre.
Parmi ces derniers, il y a les incontournables comme :
- les 4 mendiants, en référence aux ordres religieux, leur couleur rappelant la couleur de la robe des religieux : figues sèches (franciscain), amandes (carmelites), raisins secs (dominicains), noix (augustins)

- les dattes qui symbolisent le Christ

- les nougats pour les penitents noir et blanc, couleur du bien et du mal

- la pompe à l'huile d'olive ou gibassié

- la pate de coing ou les fruits confits du Vaucluse ou calissons d'Aix-en-Provence

- les fruits frais : poires, melons et raisins conservés précieusement a cette occasion, mandarines, oranges ...

Dans toutes les familles provençales, on prévoit au bout de la table une place vide pour le miséreux, c’est la place du pauvre car personne ne doit rester seul le soir de Noël, et personne ne doit refuser l'hospitalité ce soir là, même les animaux font partie du gros souper. La légende dit d'ailleurs que la nuit de Noël, les animaux se mettent à parler...

Cacho-fiò :

La cerémonie d'origine était très belle et symbolisait le rapprochement des genérations. Ce rite assurait une protection contre la maladie et la mort.
Le plus jeune et le plus âgé de la famille prennent une bûche d’un arbre fruitier, qui doit être mort de façon naturelle, par la foudre, le gel ...
Ils font ensuite trois fois le tour de la table.
Le plus âgé, "le papé", dépose la bûche dans l’âtre, la bénit avec du vin cuit et dit rituellement en provençal :

"Cacho-fiò
Bouto-fiò
Alègre, alègre
Dièu nous alègre
Calèndo vèn, tout bèn vèn
Dièu nous fague la gràci de veire l’an que vèn
E se noun sian pas mai, que noun fuguen pas mens"


Traduction :
"Bûche de Noël,
Donne le feu
Réjouissons nous
Dieu nous donne la joie
Noël vient, tout vient bien
Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient
Et si nous ne se sommes pas plus
Que nous ne soyons pas moins."

La bûche dure jusqu’à l’Epiphanie. On la remet au feu un peu tous les jours.
Le reste de la bûche est conservé et on la rallume les jours d’orage pour protéger le foyer.

Quant au jour de Noël le 25 décembre, le repas en famille propose un menu riche et varié :
- Pieds et paquets, avec des pommes de terre
- Oie rôtie, avec ses légumes
- Dinde farcie
- Civet de lièvre
- Daube
- Polenta

Au milieu du repas, les hommes desserrent les ceintures et les femmes sont ravies de voir leur repas apprécié.
Le lendemain, c’est l’aigo-boulido ou soupe à l’ail pour digérer tout cela.

Les fêtes s'appellent "les Calendales" et finissent à la Chandeleur le 2 février avec les navettes de St Victor.

Merci pour ce témoignage, Daidzou !

Vous pouvez visiter le forum de Daidzou à l'adresse suivante : http://cuisine-de-daidzou.forum-actif.net/forum.htm - Bon appétit !

 

Témoignage d'Isabelle, qui habite dans le Vaucluse :

" Chez nous, on ne mange pas la courge le soir de Noël, mais les "panés" : des navets frits ou au jus, le gratin de cardons au bon goût d'artichaut, et le repas d'avant la messe de minuit, le "petit souper" est très frugal.
Notre cacho-fio s'effectue avec le plus vieux et le plus jeune de la maisonnée qui sont chargés de faire trois fois le tour de la tablée avant de mettre au feu la bûche d'arbre fruitier préparée, et arrosée de ratafia- le vin de noël-.

Après la messe de minuit, on est tellement fatigué qu'on a peine à faire honneur au "gros souper", qui lui aussi est maigre (pas de volailles, de gibiers ou de viande !) : le poisson ou l'omelette aux truffes délectent les palais accompagnés d' un gratin de légumes de préférence les épinards et une bonne salade à l'ail (et à l'huile d'olives -est-il besoin de le préciser-) toute cette mise en bouche avant "les fameux" les "incontournables" 13 desserts que chacun s'amuse à compter et à recompter en les disposant plus ou moins harmonieusement dans son sietton... on les cite, on les admire et surtout, il faut en manger 13 !

Le lendemain, jour de noël, on recommence comme dans tous les foyers de France, mais souvent en entrée on se casse les dents avec les croûtons au "salmi de grives" (hachis de grives au genièvre et aux plombs de chasse ! ) et on continue avec" la lebre" le lièvre en civet, et l'anchoïade avec le céleri -et on ajoute un peu des légumes bien craquants mummmmmmmmm, je donne la recette à qui la veut-.
Et bien sûr, "les fameux" reviennent en vedette à la fin du repas ! Les enfants qui profitaient de leurs nouveaux jouets pendant que les "grands" savouraient leurs repas rejoignent sans rouspéter la table.
Nous, on se retrouve avec un peu plus de 13 desserts, parce que toute la famille réunie, on est un peu plus nombreux que la veille, et chacun apporte un dessert de plus : croquant, orangettes, oreillettes, confiture de figues, truffes au chocolat, fruits déguisés...

Bon nouvé !

Chez nous, les escargots, on les mange pour les Cendres, avec l'aioli, et ceux qui se mangent "à l'épingle" à mon avis ce sont les limaçons, pasqu'ils sont pitchons...

Et après "bon nouvé", quand on se quitte on dit "Bon bout d'an" ou "A l'an que ven" pour la période qui sépare Noël du jour de l'an."

Merci pour ce témoignage, Isabelle !

 

 

 

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